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  • Florian Candan /

    Congé pour reprise et motif du congé

    Résumé:

    Dans le cadre d’un congé pour reprise, le bailleur doit choisir entre une reprise pour motif légitime et sérieux ou une reprise pour vendre ou habiter.

     

    Est nul le congé délivré pour les deux motifs.

     

    CA Aix-en-Provence
    20 janvier 2015

     

    COMMENTAIRE

     

     

    La loi du 6 juillet 1989 permet aux propriétaires de délivrer eux-mêmes un congé à leur locataire mais cette liberté peut parfois se retourner contre eux.

     

    En effet, les dispositions légales qui régissent les congés donnés aux locataires sont appliquées strictement par les juges, voire sévèrement.

     

    Les faits sont simples :

     

    Mme D loue un studio à M. M et décide de lui délivrer congé pour deux raisons :

     

    • Un motif légitime et sérieux relatif aux dégradations que le locataire aurait commises.
    • Son souhait de reprendre le bien pour l’habiter.

     

    La Cour d’appel d’AIX EN PROVENCE juge le congé nul dans la mesure où elle considère que les termes du congés sont :

     

    « à la fois ambivalents et imprécis, en ce qu’ils apparaissent lier la décision de reprise à la dégradation de l’aspect de la maison et du jardin, et que la notion d’usage personnel est bien plus large que la notion d’habitation »

     

    La Cour estime ainsi que le locataire subit un véritable grief en ce qu’il ne pourrait pas contester utilement les causes du congé donné pour deux motifs au lieu d’un seul.

     

    On a du mal à comprendre les raisons qui poussent les magistrats à prétendre qu’un locataire ne pourrait pas argumenter sur deux motifs de délivrance sauf à respecter scrupuleusement le texte.

     

    Pour le bailleur, c’est donc fromage ou dessert, congé pour motif légitime et sérieux ou congé pour reprise pour habiter.

     

    On notera également que dans l’hypothèse où le propriétaire aurait délivré uniquement un congé pour reprise, celui-ci aurait également été annulé en raison de l’imprécision qui résulte de l’emploi des termes « reprendre la totalité de ma maison pour mon usage personnel ».

     

    Les magistrats considèrent qu’un congé pour reprise du bien destiné à l’usage personnel ne correspond pas aux dispositions de l’article 15 de la loi du 6 juillet 1989 qui mentionne :

     

    « Lorsque le bailleur donne congé à son locataire, ce congé doit être justifié soit par sa décision de reprendre ou de vendre le logement, soit par un motif légitime et sérieux »

     

    Ainsi, le bailleur aurait dû écrire qu’il souhaitait reprendre son logement tout simplement.

     

    A défaut, les juges ont considéré que le congé était nul.

     

  • Florian Candan /

    Congé de reprise pour habiter et fraude aux droits des locataires

    Résumé :

     

    Dans le cadre d’un congé pour reprise, le bailleur doit justifier du caractère réel et sérieux de sa décision.

     

    En cas de contestation, le juge peut d’office vérifier la réalité du motif du congé.

     

    Cour d’appel d’Aix-en-Provence – 4 novembre 2014

     

    Cette affaire opposait une bailleresse à son locataire suite à la délivrance d’un congé pour reprise en date du 13 juillet 2011, avec effet au 29 septembre 2012.

     

    L’enjeu du débat était de savoir si le congé avait été délivré en fraude des droits du locataire dans la mesure où la bailleresse souhaitait prétendument reprendre le bien pour l’y habiter.

     

    Selon la locataire, ce congé ne pouvait être que frauduleux car la bailleresse âgée de 83 ans occupait un spacieux appartement d’un immeuble de standing.

    Il était donc surprenant qu’elle souhaite déménager dans un logement rural et vétuste ne pouvant correspondre ni à son âge ni à sa condition.

     

    Dans ce type de dossier, les juges peuvent contrôler la volonté réelle du bailleur de reprendre les lieux.

     

    Mais, il convient de rappeler la Jurisprudence de la Cour de Cassation, aux termes de laquelle il n’existe, en général, pas de contrôle à priori.

     

    Il n’appartient pas aux Tribunaux d’exercer un contrôle sur les motifs ou les mobiles de la reprise, déclare ainsi la Cour d’Appel de PARIS dans un arrêt représentatif de cette jurisprudence (CA PARIS 6e Ch. C, 23 mars 1999.

     

    La Cour de Cassation a rappelé ce principe à plusieurs reprises :

     

    –          On ne peut ainsi annuler un congé afin de reprise pour habiter au motif que les demandeurs médecins à Nevers ne peuvent avoir besoin de logement d’une pièce situé à Paris pour l’habiter (Cass. 3e Civ. 3 avril 1997, Bull. Civ. III n°77)

     

    –          De même, il ne peut y avoir annulation d’un congé au motif que le bénéficiaire de la reprise dispose déjà d’un logement conforme à ses besoins (Cass. 3e Civ. 24 janv. 1996, Bull. Civ. III n°20)

     

    –          Le congé délivré au profit de la fille du bailleur pour reprendre une chambre d’une superficie de 7m2 dépourvue de douche et de WC alors que la bénéficiaire de la reprise était convenablement logée, que le logement repris ne pouvait pas de manière vraisemblable constituer sa résidence principale (Cass. 3e Civ. 28 novembre 2006, Pourvoi n°05-20567)

     

    Pour que le Tribunal puisse exercer un contrôle a priori, il faut que le locataire puisse établir qu’à l’époque de la délivrance du congé, le bailleur avait une intention frauduleuse.

     

    Tel était le cas en l’espèce dans la mesure où la bailleresse ne répondait pas aux critiques argumentées qui lui étaient faites.

     

    En outre, la locataire produisait de nombreuses correspondances émanant de la bailleresse faisant état de ses démarches engagées depuis 2009 en vue de récupérer les lieux pour les revendre.

     

    Dans ces conditions la Cour a considéré que la fraude était avérée.

     

    À ce titre, il est rappelé que l’article 15 modifié par la loi du 24 mars 2014, dite loi ALUR, prévoit que dans le cadre d’un congé pour reprise, le bailleur doit justifier du caractère réel et sérieux de sa décision de reprise et qu’en cas de contestation, le juge peut même d’office vérifier la réalité du motif du congé.

  • Florian Candan /

    Sur les charges récupérables ou non récupérables après le décret du 3 novembre 2014

    Le décret n°2014-1317 a été publié le 5 novembre 2014 et fait suite à l’article L145-40-2 du Code de commerce crée par la loi PINEL du 18 juin 2014 qui énonce :

     

    « Tout contrat de location comporte un inventaire précis et limitatif des catégories de charges, impôts, taxes et redevances liés à ce bail, comportant l’indication de leur répartition entre le bailleur et le locataire. Cet inventaire donne lieu à un état récapitulatif annuel adressé par le bailleur au locataire dans un délai fixé par voie réglementaire. En cours de bail, le bailleur informe le locataire des charges, impôts, taxes et redevances nouveaux. »

     

    […]

     

    « Un décret en Conseil d’Etat fixe les modalités d’application du présent article. Il précise les charges, les impôts, taxes et redevances qui, en raison de leur nature, ne peuvent être imputés au locataire et les modalités d’information des preneurs. »

     

    Ce décret était très attendu par les bailleurs dans la mesure où il modifie les charges, taxes et impôts récupérables sur leur locataire.

     

    Ces nouvelles dispositions s’appliquent pour les baux conclus ou renouvelés à compter du 5 novembre 2014.

     

    Que prévoit le nouvel article R.145-35 du Code de commerce ?

     

    Ne peuvent être imputés au locataire :

     

     « 1° Les dépenses relatives aux grosses réparations mentionnées à l’article 606 du code civil ainsi que, le cas échéant, les honoraires liés à la réalisation de ces travaux ; »

     

    Ainsi, les gros travaux de l’article 606 sont :

    Les grosses réparations sont celles des gros murs et des voûtes, le rétablissement des poutres et des couvertures entières.

     

    Celui des digues et des murs de soutènement et de clôture aussi en entier.

     

    Toutes les autres réparations sont d’entretien.

     

    La jurisprudence assimile ainsi à des grosses réparations celles relatives à la réparation d’une verrière laquelle constitue une couverture entière, la réfection totale de la couverture de zinc du brisis, la réfection des souches de cheminées, la réfection des zingueries affectant une partie importante de l’immeuble, les travaux de réfection de la dalle d’un parking souterrain du fait des désordres d’étanchéité qui affectent le plancher, les travaux de réfection de l’installation électrique dès lors qu’ils répondent à la nécessité d’une reprise totale et générale de l’installation, le remplacement d’une chaudière de chauffage central…

     

    La liste est longue.

     

    Nous rappellerons également que l’arrêt de la 3ème Chambre Civile de la Cour de Cassation considère que sont des grosses réparations au sens de l’article 606 du Code civil, celles qui  intéressent l’immeuble dans sa structure et sa solidité générale.

     

    Ces travaux ne pourront donc jamais être imputés aux locataires comme précédemment sauf lorsque s’il s’agit de travaux d’embellissement dont le montant excède le coût du remplacement à l’identique.

     

    Cette notion d’embellissement semble déjà interroger un grand nombre de praticiens et une partie de la doctrine.

     

    D’aucun n’hésitent pas à prédire un fort contentieux…

     

    Enfin, le décret exclut des charges récupérables les honoraires liés à la réalisation des grosses réparations.

     

     

    « 2° Les dépenses relatives aux travaux ayant pour objet de remédier à la vétusté ou de mettre en conformité avec la réglementation le bien loué ou l’immeuble dans lequel il se trouve, dès lors qu’ils relèvent des grosses réparations mentionnées à l’alinéa précédent ; »

     

     

    Il apparaît que cet alinéa se réfère encore une fois aux grosses réparations et qu’en conséquence, ces travaux ne peuvent donc être supportés par le locataire.

     

     

    « 3° Les impôts, notamment la contribution économique territoriale, taxes et redevances dont le redevable légal est le bailleur ou le propriétaire du local ou de l’immeuble ; toutefois, peuvent être imputés au locataire la taxe foncière et les taxes additionnelles à la taxe foncière ainsi que les impôts, taxes et redevances liés à l’usage du local ou de l’immeuble ou à un service dont le locataire bénéficie directement ou indirectement ; » 

     

     

    Ainsi, il est toujours possible de faire supporter aux locataires l’impôt foncier, les taxes additionnelles à la taxe foncière, les impôts, taxes et redevances liés à l’usage du local ou de l’immeuble, ou à un service dont le locataire bénéficie directement ou indirectement.

     

    Le législateur fait entrer dans cette catégorie la taxe d’enlèvement des ordures ménagères et la taxe de balayage.

     

     

    « 4° Les honoraires du bailleur liés à la gestion des loyers du local ou de l’immeuble faisant l’objet du bail ; »

     

    Il convient de faire une distinction entre les honoraires du bailleur liés à la gestion du loyer à savoir les frais correspondant aux appels de fonds, aux quittances, au recouvrement des impayés et à la gestion du dépôt de garantie qui ne sont plus récupérables contrairement à la gestion technique de l’immeuble.

     

    « 5° Dans un ensemble immobilier, les charges, impôts, taxes, redevances et le coût des travaux relatifs à des locaux vacants ou imputables à d’autres locataires. »

     

    « La répartition entre les locataires des charges, des impôts, taxes et redevances et du coût des travaux relatifs à l’ensemble immobilier peut être conventionnellement pondérée. Ces pondérations sont portées à la connaissance des locataires. »

     

    Le texte ajoute que cette répartition peut être conventionnellement pondérée, ce qui permet d’ajuster les charges en fonction de la nature du local ou de la surface louée ; réserve, surface d’accueil de clientèle ou de réception.

     

    Ainsi, en fonction de la surface, il sera possible de moduler les charges en fonction du type de surface louée à la condition qu’elle soit prévue au contrat.

     

    Il est probable que la loi PINEL censée rééquilibrer les rapports entre les bailleurs et les preneurs soit à l’origine d’un fort contentieux, du moins les premières années.