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  • Florian Candan /

    Notification du mémoire postérieurement au dépôt du rapport

    Résumé :

     

    Une partie peut toujours notifier son mémoire même postérieurement aux opérations d’expertise tant que le juge d’appel n’a pas statué.

     

    Cour de cassation
    Chambre civile 3

    24 septembre 2014

     

     

    Cette affaire est intéressante comme le dénote ses références de publication P+B qui signifie que l’arrêt sera publié au bulletin des arrêts de la Cour de Cassation ainsi qu’au bulletin d’information de la Cour de Cassation.

     

    Le présent arrêt est relatif à la notification par lettre recommandée d’un mémoire après le dépôt du rapport d’expertise, et ce pour la première fois devant le Juge de la Cour d’Appel.

    En effet, la procédure devant le Juge des loyers est organisée par les articles R145-24 à R145-29 du Code de Commerce.

     

    Cette procédure intervient notamment en cas de renouvellement à la demande du preneur ou du bailleur en vue de fixer le nouveau prix du loyer.

     

    Ce mémoire est rédigé par la partie demanderesse et doit être notifié par courrier recommandé à la partie adverse.

     

    Ce courrier doit être adressé dans le délai de deux ans à compter du congé délivré.

    L’envoi de ce mémoire interrompt le délai de prescription biennale qui est alors renouvelé pour deux ans.

     

    Cette procédure d’envoi des mémoires empêche les parties de saisir le Juge des loyers avant l’expiration d’un délai d’un mois.

     

    Puis, la partie la plus diligente remet au Greffe son mémoire en vue de voir fixer une date d’audience par le Juge.

     

    A la suite de quoi, le Juge des loyers ordonne la plupart du temps une mesure d’instruction afin de fixer le prix du loyer.

     

    Après le dépôt du rapport, les parties doivent également notifier des mémoires après expertise, lesquels conditionnent la régularité de l’entière procédure.

     

    La Cour de Cassation par le passé a estimé qu’en l’absence de notification des mémoires, la procédure était irrégulière.

     

    Néanmoins, la Haute Juridiction a été peu à peu amenée à assouplir sa jurisprudence en permettant aux parties de notifier ultérieurement le Mémoire avant que la Cour ne soit amenée à rendre son verdict.

     

     

    En l’espèce, un des moyens arguait du fait que :

     

    «  l’échange des mémoires après le dépôt du rapport est une formalité préalable indispensable à la régularité de la procédure ; qu’en n’ayant pas tiré les conséquences légales de ses constatations, selon lesquelles, après le dépôt du rapport d’expertise, les parties n’avaient pas échangé de mémoires par application de l’article L. 145-25, dernier alinéa, la cour d’appel a violé l’article R. 145-31 du code de commerce »

     

    En outre, un autre moyen indiquait

     

    « La procédure afin de fixation d’un loyer commercial ne peut être régularisé par un mémoire produit en appel que si l’expertise a été ordonnée par le Juge d’appel. »

     

    Or, en l’espèce, l’expertise n’avait pas été ordonnée en appel, mais simplement en première instance.

     

    Cependant, la Cour de Cassation assouplit sa jurisprudence en considérant que l’instance avait été régulièrement engagée dans le délai de deux ans à compter de la date d’effet du congé, et relevé que la bailleresse justifiait avoir notifié par lettre recommandée un mémoire après le dépôt du rapport d’expertise, et avant que la Cour ne statue sur ce moyen de nullité.

     

    Ainsi, même si la Cour de Cassation fait preuve de bienveillance à l’égard de la partie qui n’a pas notifié son mémoire postérieurement à l’expertise, il est néanmoins conseillé de notifier par courrier recommandé le mémoire postérieurement à l’issue des opérations d’expertise.

     

  • Florian Candan /

    Nécessité absolue pour le bailleur de régulariser les appels provisionnels de charges

    Résumé :

     

    L’absence de régularisation des charges dans les conditions prévues au bail commercial rend sans cause les appels trimestriels de provision à valoir sur le paiement de charges

     

    Le  bailleur risque donc de  rembourser les provisions versées par le preneur.

     


    Cour de cassation
    Chambre civile 3

    5 novembre 2014

     

    Le présent arrêt est de rejet et fait suite à celui de la Cour d’Appel de PARIS du 10 juillet 2013.

     

    Les faits sont les suivants :

     

    La Société S, par acte du 23 juin 2000, a donné à bail commercial à la Société K le lot n°1 situé dans un Centre Commercial et ce à usage exclusif de Bar brasserie, moyennant un loyer de 22.867€ en principal.

     

    Le locataire se plaignant de subir de nombreux troubles de jouissance a assigné son bailleur en expertise.

     

    Afin de manifester son mécontentement, la société K a cessé tout versement de loyer et de charges à son bailleur.

     

    Ce dernier l’a assigné en vue de solliciter l’acquisition de la clause résolutoire ainsi que le montant intégral des loyers et des charges provisionnelles dus.

     

    Le jugement du Tribunal de Grande Instance de PARIS, en date du 29 mars 2011, a notamment condamné la Société K à payer à la Société S la somme de 99.632 € au titre des loyers et des appels de provision pour charges non réglés.

     

    Suite à l’appel interjeté par la Société K, la Cour d’Appel de PARIS a réformé en partie le jugement en condamnant la Société K non plus à la somme de 99.632€, mais à la somme de 48.432€ au titre de l’arriéré locatif et de charges provisionnelles.

     

    La différence de 51.000€ représente les charges provisionnelles dont la Société K prouve avoir réclamé la régularisation depuis 2001, régularisation qui n’avait lieu que pour les années 2005 et 2006, et sans que les justificatifs réclamés par le locataire soient communiqués.

     

    La Société S ayant été incapable de démontrer que la régularisation des charges avait été faite entre 2001 à 2005 et 2008 à 2010, la Cour d’Appel a considéré que la Société K était dans son droit de solliciter le remboursement des provisions versées sans justificatif.

     

    C’est dans ces conditions que la Société S s’est pourvue en cassation.

     

    Par un arrêt du 5 novembre 2014, la Cour de Cassation énonce dans un attendu de principe :

     

    « Mais attendu que l’absence de régularisation des charges dans les conditions prévues au bail commercial rend sans cause les appels trimestriels de provision à valoir sur le paiement de charges ; que la cour d’appel qui a retenu que le bail signé entre les parties prévoyait que « le preneur, par appel d’une provision trimestrielle et civile versée par le preneur avec chaque terme, remboursera au prorata des locaux loués un ensemble de charges énoncés et qu’à la clôture de chaque exercice de charges, le montant des provisions versées sera régularisé en fonction de l’arrêté de comptes de charges annuelles », en a exactement déduit qu’en l’absence de régularisation des charges, le remboursement des provisions versées par la société locataire devait être ordonné ; »

     

    Dans ces conditions, le bailleur peut constater l’absolue nécessité de justifier annuellement de la régularisation de ses charges auprès de son locataire.

     

    A défaut, la sanction est sévère dans la mesure où il devra rembourser lesdites provisions pour charges à défaut d’en justifier.

     

     

  • Florian Candan /

    Déplafonnement et ambiguïté de la clause relative aux activités autorisées

    Cour de Cassation – 3ème Chambre Civile – 11 mars 2013

     

    Résumé:

     

    Le déplafonnement du bail n’est pas justifié si les activités litigieuses figuraient dans le contrat de bail initial en vertu d’une clause du bail renvoyant à l’objet social du preneur.

     

     

    COMMENTAIRE: 

     

     

     

    Cet arrêt pose la question du déplafonnement du loyer commercial et donc de sa fixation à la valeur locative lorsque, la clause du bail relative à la destination contractuelle et aux activités autorisées dans le bail est ambigüe.

     

    En l’occurrence, il sera rappelé que l’article L145-34 du Code de commerce énonce en substance, qu’à moins d’une modification notable des caractéristiques du local, de la destination des lieux, des obligations respectives des parties, des facteurs locaux de commercialité, et des prix couramment pratiquées dans le voisinage, le loyer de renouvellement doit suivre le taux de variation de l’indice prévue au bail et ne peut donc être déplafonnée.

     

    Par ailleurs, l’article R145-5 énonce que la destination des lieux est celle autorisée par le bail.

     

    Ainsi, en cas de modifications des éléments prévus à l’article L 145-33 du Code de Commerce précité, le déplafonnement peut être accepté par le juge s’il figure des nouvelles activités qui n’étaient pas prévus au bail initial.

     

    En l’occurrence, la problématique résultait d’une clause ambigüe du bail énonçant que le preneur ne pouvait exercer que l’activité relevant de son objet social énoncé comme suit dans le bail : « commerce de café-comptoir, tabac et articles de fumeurs », alors même que l’objet social était beaucoup plus large et incluait notamment les activités résultant d’un avenant du 28 mai 2001 intégrant l’activité « bar tabac, activité annexe, et/ou complémentaire, restaurant, presse, pmu, tout produit de la française des jeux, bazar, cadeaux, articles de fumeurs et divers ».

     

    Ainsi, le bailleur sollicitait le déplafonnement sur le fondement de l’avenant autorisant des activités complémentaires au bail initial.

     

    Or, la Cour de Cassation donne raison à la Cour d’Appel qui a interprété la clause litigieuse du bail et considère qu’elle n’a aucunement dénaturée celle-ci.

     

    La Cour de Cassation valide donc le raisonnement selon lequel l’objet social incluant les activités précitées étaient autorisées dès l’origine du bail et donc ne pouvait justifier d’un déplafonnement.